A propos des inondations dans le Grand Nord
« Il est nécessaire qu’en cas de catastrophes, les interventions soient le plus rapide possible pour redonner confiance à ceux qui sont concernés. Il s’agit d’un préalable aux autres interventions qui devront suivre.»
Entretien avec Monsieur Essindi Elanga Athanase, Secrétaire Permanent Adjoint CG/FAO/PAM, Ingénieur général de classe exceptionnelle hors échelle, Expert en Economie du Développement.
Monsieur le Secrétaire Permanent, pensez- vous qu’une catastrophe comme celle du Grand-Nord pouvait être évitée ou mieux prévenue ?
De manière générale, les catastrophes qui ont eu lieu dans notre pays sont dites naturelles. Mais, on ne peut pas dire qu’elles ne soient pas maitrisables par l’homme ce d’autant plus qu’elles auraient pu être mieux gérées et mieux prévenues. Mieux gérées d’une part car les outils de prévision modernes auraient pu permettre d’intégrer leur intensité. Les stations météorologiques n’ont pas joué leur rôle car si elles avaient fait leur travail, les populations auraient pu être évacuées des zones à risques, on aurait pu enfin procéder à des lâchures anticipées du barrage de Lagdo. Mieux prévenues par une maintenance systématique des digues à intervalles réguliers aurait permis aux digues de mieux résister ainsi qu’une gestion globale de l’aménagement du territoire de cette zone en concertation avec le Tchad voisin aurait permis de prendre des décisions concertées pour la construction de part et d’autre des digues de barrages.
Dans son discours, le Président de la République a instruit de procéder à une actualisation de l’inventaire des zones à risque et de proposer des actions adéquates afin que les conséquences d’évènements comme ces derniers soient les moins dommageables possibles. Pour vous expert en développement, quelles peuvent être ces actions ?
Les instructions du Chef de l’Etat sont à saluer car elles participent d’une volonté de gérer de manière moderne l’aménagement du territoire. Il est important et urgent qu’une carte de vulnérabilité soit disponible, celle-ci présenterait les différentes zones à risque et aura pour rôle une gestion prévisionnelle et planifiée des actions anticipées et les moyens les plus adéquats à mettre en oeuvre en cas de leur survenance. Il est évident que cet outil va permettre de classer les zones à risque par catégorie et par degré de vulnérabilité. Une meilleure connaissance des différents types de catastrophes va permettre une meilleure anticipation d’intervention des pouvoirs publics. Ensuite il serait utile de pré-positionner les moyens d’action pour chaque zone en fonction de cas spécifiques de vulnérabilité. Enfin, délimiter les zones d’habitation et celles d’exploitation agro-pastorale.
Que pensez-vous de l’idée de mettre en place un fonds de soutien aux populations victimes de calamités naturelles ? Pour vous à quoi va servir concrètement un tel fond ? Et quelle place l’aide d’urgence à ce moment ?
L’idée de mettre en place un fonds de soutien d’urgence est une bonne idée et il serait bon qu’elle ne soit pas une action ponctuelle. Ce fond national serait destiné aux interventions rapides en cas de catastrophes naturelles. Ce genre d’intervention a existé au sein du Comité de gestion du FAO/PAM en ce qui concerne le criquet migrateur dans la partie septentrionale de notre pays. Malheureusement les considérations de personnes n’ont pas permis de l’ériger en véritable fonds national d’anticipation aux attaques de ce ravageur. Ce fonds de soutien aurait pour objectif de pallier au besoin immédiat en cas de catastrophes à savoir approvisionner les populations en besoin de première nécessité notamment la réinstallation, la remise à flot des activités socio-économiques et le financement des besoins en maintenance et de gestion des ouvrages d’art. Il est nécessaire qu’en cas de catastrophes, les interventions soient le plus rapide possible pour redonner confiance à ceux qui sont concernés. Il s’agit d’un préalable aux autres interventions qui devront suivre.
Quel peut être l’impact des catastrophes de cette envergure sur le développement d’un pays ?
Il s’agit d’une véritable calamité économique chaque fois que ce genre de situation survient car elle met au recul la production économique de ces zones à savoir que la production agro-pastorale est des fois complètement décimée. En cas d’inondation elle annule toutes possibilités d’eau saine de consommation, l’environnement est pollué et les maladies disséminées. Mis à part le fardeau le plus lourd de pertes en vies humaines qui affecte automatiquement les forces productives de la localité. Il y aura également à coup sûr un impact négatif sur le plan agro-alimentaire du fait d’un déficit alimentaire dans la région dû à la perte des exploitations agricoles et du cheptel. Cette situation va être d’autant plus aggravée que la FAO dans sa publication de juin 2012 indiquait déjà que 400 000 personnes dans la région septentrionale avait besoin d’un secours alimentaire du fait de l’insuffisance de la production en certains endroits de cette zone de vie.
D’après vous que peut-on faire à l’avenir pour que de telles catastrophes soient évitées du moins au niveau humain ?
Il est important que soit réhabilité tout l’arsenal technico-administratif chargé de la prévision climatologique sur la base des nouvelles technologies, que les stations météorologiques soient remises en fonction et qu’elles soient multipliées à travers le pays et modernisées. L’administration chargée de la protection civile devra être véritablement équipée et pour qu’elle joue son rôle. Il serait important de rendre effective la maintenance de tous les ouvrages d’art susceptibles d’être exposés aux catastrophes et enfin, le Fonds chargé des catastrophes devra être approvisionné et opérationnel sous la forme d’un compte d’opération.
Entretien réalisé par Marcelle AMUGU